Le Château

Connu dans les textes depuis le premier quart du IXe siècle, le château de Mehun est un site majeur pour la castellologie française.
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Les traces des trous de poteaux mis au jour dans les grandes caves du château montrent l’évolution des constructions de bois des ces époques. En bois, puis en pierre, construits sur le rocher puis perchés sur une motte, les premiers châteaux étaient défensifs et comprenaient des bâtiments à vocation agricole ou artisanale, sans jamais oublier l’identité même du château comme lieu de pouvoir et de justice. 

La tour reste en cela le symbole même du fief et la référence en matière de défense. Des tours carrées aux tours rondes, des tours de bois aux tours de pierre, Mehun est l’exemple même du site en constante évolution, de son adaptation aux modes des différentes époques et aux nécessités militaires. Les murs encore en élévation montrent un enchevêtrement et une superposition des constructions bien plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord.

La tour qui se dresse et qui domine la ville permet de comprendre deux grandes étapes de construction du monument. 
Sa forme circulaire, son organisation primitive lisible dans la première salle, indiquent une construction de la fin du XIIe siècle, voire du tout début du XIIIe siècle. Cette tour maîtresse, appelée donjon dans nos livres d’école, était à la mode de son temps et adaptée à résister aux nouvelles techniques de siège utilisées alors. 

De cette époque, il nous reste cette puissante coque circulaire assise sur un tronc de cône massif en blocage de pierres et la première salle avec les restes de l’escalier intérieur aux murs, le puits (certainement inachevé) et le four, voire l’oculus de communication entre le rez-de-chaussée et le premier étage.

Les belles fenêtres gothiques à meneaux géminés, le couronnement de mâchicoulis avec ses corbeaux supports ornés de feuillages, les hautes salles voûtées et les cheminées (restaurées) appartiennent à la résidence de Jean de Berry construite à la fin du XIVe siècle et au début du XVe siècle. 

Les frères de Dammartin, architectes, André Beauneveu de Valenciennes, et vraisemblablement Jean de Cambrais, maîtres sculpteurs, ont œuvré à l’ordonnancement des bâtiments et aux riches décors des appartements, de la salle d’apparat et surtout de la chapelle. Des superstructures en dentelles de pierre couronnaient les terrasses des tours, en rappelant les remplages sculptés des baies de la chapelle, comme autant de lanternes de verre et de lumière. 

Cette résidence, telle une châsse richement ornée et dorée dans ses faîtages renfermait des collections et des œuvres incommensurables auxquelles s’ajoutaient un cabinet de curiosité, une bibliothèque et une ménagerie.

Le site devient l’un des séjours privilégiés de la cour du roi Charles VII qui y reçoit les plus grands personnages de son temps, son argentier Jacques Cœur, les capitaines comme Alençon, Xaintrailles, Dunois, La Hire, ainsi que l’une des grandes héroïnes de notre histoire : Jeanne d’Arc. 

C’est dans la grande salle du château qu’il lui remet, à elle et à sa famille, ses lettres de noblesse à “la Noël” 1429. C’est un acte fort qui, avec la convocation des états généraux et la mort du souverain, font entrer Mehun dans les Grandes heures de l’histoire de France. La reine Marie d’Anjou s’installe à Mehun, sa mère Yolande d’Aragon contrôle la cour et la résidence de Mehun devient le pivot des réceptions organisées pour les gracieuses courtisanes Agnès Sorel et Antoinette de Maignelet.

Après la mort du souverain en 1461, l’évolution des manières de gouverner et l’avènement de nouveaux goûts artistiques, le château n’aura plus de réelle envergure artistico-politique. Attirée par les hauts toits pointus, la foudre s’abat à plusieurs reprises sur les bâtiments qui abordent le XVIIIe siècle sans toitures ni planchers. Les révolutionnaires vendent, en 1793, le site comme bien national à un démolisseur qui va exploiter, jusqu’en 1815, les bâtiments comme carrière de pierre.